L’appétit des autres

« Les réseaux sociaux » voilà une expression que l’on entend aujourd’hui en permanence et qui semble coïncider peu ou prou avec l’expansion d’Internet. Pourtant, les réseaux sociaux existent depuis l’origine des temps, depuis qu’il y a des hommes en fait, chacun étant amené à tisser des Sens avec son « petit monde », À la différence près que jadis, ces réseaux s’établissaient en direct, dans la vraie vie, et non de manière virtuelle (en postant des « profils » au lieu de créer.., des face-à-face) comme nous y invitent Facebook, Instagram, Linkedln et autres Tik-Tok !

S’inventer des amis en quelques clics, voilà une trouvaille qu’aurait vomie Saint-Exupéry, lui qui a écrit des pages admirables sur l’amitié (les « camarades ») et qui voyait dans les liens profonds le grand luxe véritable, permis seulement par un long temps d’apprivoisement, Et le paradoxe du moment, c’est que nos contemporains se trouvent tellement accaparés par leur vie sur écran qu’ils peinent à trouver du temps pour la vraie vie et les relations en chair et en os ! En réalité, selon l’anthropologue britannique Robin Dunbar, l’être humain ne peut établir de relation stable qu’avec au plus 150 personnes, ce qui correspond à la taille d’un « écovillage ». Et encore ! Nos amis véritables se comptent sur les doigts de la main… La « règle de 150 » (ou nombre de Dunbar) stipule que la relation de confiance ne peut subsister qu’à travers une communauté réduite. Autant dire que le réseautage social en ligne ne correspond plus à des relations de personnes mais à des connexions d’identités virtuelles.

Nous sommes des boulimiques d’interactions numériques et nos vraies relations maigrissent à vue d’œil. Tout le monde est occupé, le monde entier est un grouillement constant d’allées et de venues où chacun vaque à ses occupations. Et les relations humaines authentiques, dans tout ça ? Même nos proches, parfois, semblent éloignés. Nous-mêmes, ils nous arrive d’être accaparés par des vétilles qui ne laisseront nulle trace dans notre vie, ou bien distraits là où nous devrions être attentionnés,

L’un de mes amis me remerciait récemment de réagir systématiquement à ses messages, tout en déplorant que ce soit si peu coutumier. Il y voyait d’abord une politesse du cœur. Répondre à celui qui s’adresse à nous, lui accorder notre écoute, notre attention, notre intérêt. Ne pas rester en surface, mais aller dans les profondeurs de la relation. Dans nos vies suragitées, cette prodigalité du cœur, ce grand apaisement de l’esprit qui se rend complice du regard, de la parole, de la présence de l’autre — après avoir été des biens courants — deviennent de précieux trésors.

Ne laissons pas mourir le feu qui est en nous ! Le feu qui nous rend chaleureux, brûlants du désir de l’autre, de la curiosité des choses, du sens des événements, Quelque chose s’évapore, si nous n’y prenons pas garde. Et au fond, ne serait-ce pas le sens de notre vie ? Qu’y a-t-il de plus essentiel que la qualité des Sens que nous tissons, et des relations que nous nouons ? Ayons l’appétit des autres, nourrissons-nous de leur présence, Approfondissons ce que nous avons à échanger avec eux. Et nous vivrons une vie qui vaut vraiment d’être vécue.

François Garagnon, (Les Pensées vitaminées, extrait de “Éclats de vivre”, © Éditions Monte-Cristo, www.montecristo-editions.com) Avec autorisation.

Catégorie : Divers
Etiquettes : Réflexion

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